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jeudi 17 janvier 2013

Arles la Bleue

J'use mes godasses dans le vieil Arles. C'est fou combien le bleu y est présent. Bleu du ciel et du fleuve, bleu des rues mouillées par la pluie, bleu des volets et des portes, le bleu ayant la réputation, selon les Arlésiens, de faire la nique aux moustiques.

Au détour de l'étroite rue qui monte vers l'amphithéâtre romain, c'est subitement le jaune des pierres antiques qui m'assaille. J'aime ce jaune sablonneux. Il me donne quelque sensation de chaleur face au mistral qui se lève progressivement depuis ce matin. Si le vent s'intensifie encore, le marché hebdomadaire devra plié bagage avant l'heure.

Je connais Arles, ville d'Art et d'Histoire. Le Mistral aussi.
Mais cette année, les vestiges romains passeront au second plan. Au premier plan, il y aura ma visite à l'exposition internationale de la photographie.
Tout en poussant la porte du ravissant hôtel, aux boiseries bleutés, qui allait m'accueillir pour plusieurs jours, je me demandais si les photos solliciteraient aussi fort mon imaginaire que les tableaux des musées? Comment se recueillir devant une photo, comment appréhender une image? La dépasser? Questions vaines. Car dans quelques heures j'allais non seulement rêver devant une photo, mais également devant un photographe.

 - Vous avez de la chance, me dit la méridionale soubrette en jetant mon sac de voyage sur le petit lit bleu. C'est la chambre de Vincent...
- Ké Vincent ? demandai-je en lui tendant un billet de cinq euros.
Elle se contenta de le glisser dans son corsage bleu et hausser les épaules (surtout la gauche ornée d'un tatouage représentant un poing fermé brandissant un truc qui ressemblait à un coquelicot (rouge)) et de me jeter un regard, genre FB : "cé kwa s'tabruti..."
Quelque peu décontenancé, je défis mes bagages et j'ouvris pensivement le premier tiroir de la petite commode bleue pour y ranger mes slips et mouchoirs propres. Je projetais déjà de planquer les sales dans le tiroir du bas. Je n'eus toutefois pas le temps d'élaborer de plus culturelles activités et ne pus m'empêcher de hurler :
"Sacrebleu !"
Au fond du tiroir, je venais de découvrir un linge bleu ensanglanté qui, une fois déplié, s'avérait contenir une oreille bleuie par la nécrose mais bien humaine !

 J’eus préféré un tournesol ! Je lâchai prestement l’objet empaqueté de tissus. Ce dernier tomba mollement sur le coin de ma chaussure. Je secouai vivement ma jambe à plusieurs reprises, pour tenter d’expédier l’oreille sur la moquette bleue. Mon visage affichait un mélange de dégoût et de terreur et mes secousses répétées, bras levés, doigts écartés, tandis que je battais l’air avec mon pied, me conférait une posture à la limite du ridicule. C’est à ce moment que j’entendis le « clic » d’un obturateur. Un flash m’aveugla brièvement. Je vis devant moi un jeune homme braquant son objectif sur ma personne. Il m’immortalisa une dernière fois puis tourna les talons en lâchant froidement :
- Remettez l’objet où vous l’avez trouvé, s’il-vous-plaît.
Puis il sortit.

 Il dévala les escaliers et abandonna une feuille de papier. Plus étonné qu'effrayé, je ramassai son message et y déchiffrai ces quelques lignes sibyllines :" Alyscamps, Arènes, Arlaten, Abbaye; mais qui entend encore l'Arlésienne d'aujourd'hui?" Sceptique, je me penchai à la fenêtre et crus apercevoir mon visiteur se fondre dans la foule des badauds bardés de sacs bananes et d'appareils photos ballottant sur des bedaines balaises. Je m'approchai ensuite du pavillon de chair gisant sur le plancher et compris qu'il s'agissait en fait d'une vulgaire imitation...

Brandissant l'odieux trophée, je dévalai l'escalier jusqu'à la réception où m'accueillit le patron qui réprimait un fou-rire :
- Ah ! Vous avez trouvé l'oreille de Vincent !
- C'est une blague tout à fait idiote, dis-je en jetant l'objet sur le comptoir.
Puis, après une vague hésitation, je lui demandai :
"... Et le type qui vient de sortir ? C'est qui ?"
Il se troubla et bredouilla :
- Ne faites pas attention à lui... Il est un peu fada... Il travaille comme photographe à "L’Arlésienne", Je suis désolé si...
- Ça va, ça va... coupai-je.
Avant de regagner ma chambre, j'ajoutai :
"Et j'espère que vous n'avez pas d'autre blague aussi idiote dans d'autres tiroirs"
- Bien. Dans ce cas n'ouvrez pas le tiroir du bas de la garde-robe.
Il savait ce qu'il faisait, le gredin. À peine remonté dans ma chambre, je ne pus évidement faire autrement qu'ouvrir le tiroir du bas de la garde-robe pour y découvrir une feuille de papier soigneusement pliée en trois. Mon cœur sauta quelques battements comme je prenais connaissance du texte soigneusement calligraphié : j'étais piégé !

Il s'agissait d'une invitation. Un dénommé - ou peut-être devrais-je dire un "pseudonommé" - C. Cliché invitait le détenteur dudit feuillet au vernissage de son travail photographique : "Ce qu'inspire l’œuvre de Van Gogh au XXIème siècle". De toute évidence, cet individu qui se revendiquait photographe professionnel et historien d'art, prenait part à l'Exposition Internationale. Je compris rapidement que j'y figurerai en bonne place : immortalisé dans ma posture ridicule, une fausse oreille sanguinolente collée à ma godasse. Si l'expression artistique est somme toute assez libre et incommensurablement variée, fruit du ressenti, de la personnalité et de l'expérience de son créateur; je trouvai l'approche de C. Cliché de très mauvais goût! Et puis ce nom qui n'était rien d'autre qu'un jeu de mots stupide... était-il le reflet de son humour irrespectueux ? Je fulminais. Il me fallait à tout prix retrouver cet homme; et l'empêcher d'utiliser mon image à si mauvais escient. Moi qui me demandais ce que m'inspirerait la vue d'une photo artistique...

J'étais mal parti...Je fantasmais déjà avant même d'avoir vu la photo! Serait-elle placée à coté d'une copie de l'Homme à l'oreille bandée? Une référence plutôt macabre, qui pouvait insinuer que moi aussi je n'allais pas tarder à subir une mutilation identique? Où était-ce un avertissement: "Attention, dans un an tu te suicideras!". J'avais beau me moquer de moi-même, ironiser, je ne pouvais m' empêcher de rire jaune. Jaune? La couleur dominante des tableaux de Van Gogh? Encore une coïncidence, encore une mise en garde? Ce photographe inconnu allait me rendre fou...Fou? La folie de Vincent...de quel Vincent? Décidément, il était temps de me secouer, de faire quelque chose, de me rendre à l'exposition. Là, au milieu de la foule, il ne pouvait rien m'arriver! Je ne risquais pas de me faire couper une oreille. Laquelle? La droite, la gauche?" Je ramassai quelques affaires ,et brusquement j'éprouvai le besoin irrésistible d'un remontant. Je dévalai l'escalier, me précipitai dans le bar le plus proche et bus d'une traite le verre d'absinthe que l'on venait de me servir!

Ce petit coup de fouet physiologique remit les choses en place : je n'avais pas une minute à perdre. Il me fallait retrouver l'individu avant qu'il ne puisse réaliser des tirages de ces foutus clichés.
Après une seconde mominette, je sortis de l'estaminet et fonçai dans la direction où je l'avais vu disparaître. Après m'être fourvoyé dans les impasses de la Rue du Four qui Passe, je débouchai sur le Rond Point des Arènes.
Cela me faisait une belle jambe ! De là, il avait pu prendre n'importe quelle direction et se perdre dans la foule des badauds. Je fis deux fois le tour de la place — une dans le sens des aiguilles d'une montre digitale, l'autre dans le sens contraire — sans plus de résultat que si j'étais resté sur place.
Et comme me submergeait le désespoir, j'eus un invraisemblable coup de chance : là, dans l'ombre bleutée des arcades, un éclair de flash attira mon attention. Je reconnus l'homme ! Il poursuivait sa sinistre besogne au détriment d'un trio de touristes japonais hilares qui brandissaient de grands soleil en papier.
Au péril de ma vie, je bravai la circulation pour traverser la chaussée.
— lahé ! m'écriai-je en verlan.
Il tourna vers moi son visage lunaire et, sans hésiter, s'enfonça dans les entrailles des Arènes.

 J'étais courageux, mais pas téméraire et j'hésitai à le pourchasser dans les couloirs d'accès des arènes. J'avais à faire à un fada, certes, mais peut-être aussi à un pervers. Il savait que je l'avais répéré et il s'était enfui. Pour m'entraîner où? Et dans quel but? Son appareil photographique était une arme inoffensive, en tout cas pas mortelle. Mais, il pouvait en cacher une autre. Réminiscence: "attention, un train peut en cacher un deuxième!"
Il m'eût fallu deux mominettes de plus pour faire preuve d'audace. Finalement j'optai pour la prudence . Je me dis que puisqu'il était photographe, il se rendrait à l'exposition. Il me suffirait alors de regarder autour de moi, de patienter et son visage lunaire finirait bien par réapparaître.
C'était évident! Ce qui l'était moins, c'était ma réaction lorsque je lui ferai face. Timorée, vindicative, ironique? Je ne m'étais jamais trouvé dans une situation aussi ambiguë. J'ignorais si je serais chasseur ou proie, si cette aventure se transformerait en farce ou en tragédie. Molière ou Racine? Décidément un petit remontant m'eût fait beaucoup de bien.

J'avais instinctivement ralenti le pas. Comme si je voulais retarder le moment où il n'y aurait plus d'incertitudes? Où il n'y aurait que des faits.

 Non, je devais savoir, tant pis pour les risques éventuels. Et je replongeai dans l'arène où manifestement, il m'attendait, sur le bord de la piste. Dès qu'il me vit, il lança un bras en l'air et quelque chose de léger retomba mollement. Je me jetai vers lui mais fus rapidement englouti par une marée de Nordiques rougeoyants qui m'entraîna devant une statue de taureau en stuc nanti de... cornes supportant un pont censé représenter le pont Van Gogh. Je perdis un temps précieux pour arriver à me désincarcérer de cette masse extasiée devant un chef-d'oeuve typique de l'art contemporain et me dirigeai vers l'endroit où ce Capa de province se trouvait, quelques minutes auparavent. Sur le sol, quelques brins de laine verte, et quelques mètres alentour, un autre, puis encore et encore jusqu'à une grille fermée sur laquelle est accrochée une pelote de laine, verte toujours dans laquelle est fourrée une carte postale avec, au recto, une reproduction du fameux tableau de Vincent "Pont Van Gogh-Arles" et au dos, ces quelques phrases:
Tchouf, t'es pas un TGV, ni un aigle, d'ailleurs mais les temps sont durs et je n'ai pas vraiment le choix car le temps me presse? Il me faut un bon blanc bourgeois véreux, veule et pas trop vieux...Donc, réfléchis bien : es-tu prêt à me seconder pour créer, inventer le scoop, le buzz, le must, bref, l'événement de l'été en Arles, en Provence, en France, autrement dit, dans le monde entier.
Si, oui, voilà ce que l'on va faire...


On ! Comment on ? Non mais, quel toupet ! Quelle outrecuidance !
Bourgeois véreux, en plus. Fou de rage, j’écrabouillai son poulet cartonné dans mon poing, fis demi-tour et fonçai droit dans une cohorte de Nippons pour sortir au plus tôt des arènes. Ce n’était plus un remontant qu’il me fallait mais un calmant, et un solide. Je dévalai la pente aiguë de la rue des Arènes, virai sec à gauche dans la rue de l’Hôtel de ville, ralentis le train pour enfiler la place de la République et débouchai enfin boulevard des Lices. Hors d’haleine, je m’effondrai sur le siège d’une terrasse et commandai illico un double pastaga, comprenez pastis. Il me fut rapidement apporté avec la carte.
C’est alors que je me rendis compte que c’était l’heure et que j’avais la dent. Je commandai donc une daube de taureau pour me venger de ce qu’on m’avait fait bouffer aujourd’hui de la vache enragée. Quand je fus servi, je m’aperçus que je tenais toujours dans le poing la fameuse carte postale. J’hésitai puis la curiosité fut la plus forte.
J’avalai de travers, toussai recrachant quelques grains de riz. Il s’agissait ni plus ni moins que de faire croire au grand public que le couturier Christian Lacroix avait décidé d’habiller de petits hauts, de spencers et de redingotes la Venus d’Arles, créant ainsi une ligne de prêt-à-porter. La célèbre statue avait quitté le Louvre et de retour sur les lieux de sa découverte en 1651 après 330 ans d’absence était le clou de l'exposition au Musée bleu de " Rodin et l'antique ".
Sûr que cette info allait faire du bruit et susciter la controverse en Arles où la Vénus est considérée comme le portrait mythique des Arlésiennes. Or, une bonne campagne de presse est tout à fait de mon ressort. Hé, hé, hé...
Et que devais-je encore faire d'autre ?
Je n'avais pas remarqué tout de suite le sympathique quidam qui s'était assis juste derrière moi (comment l'aurai-je pu, d'ailleurs ?) aussi sursautai-je lorsqu'une voix venue de nulle part, me sembla-t-il, susurra :
"Vénus? Vous êtes certain ?"
Je me retournai d'un bloc pour me trouver nez à nez avec un homme d'une cinquantaine d'années mais qui en avait certainement bien vu davantage. Avec un sourire ironique, il fixait la carte que j'avais posée sur la table.
" Que voulez-vous dire ?"
Il pivota posément sur chaise pour me faire face, ce qui n'arrangeait pas grand chose puisque je lui tournais toujours le dos et il me tendit une cigarette. J'acceptai avec une infinie reconnaissance. J'avais bien besoin de cette petite dose d'adrénaline qui vous envahit à la première bouffée, quand vous ne savez pas encore si vous allez mourir en traversant la rue ou d'un cancer du poumon.
" Je veux dire que cette charmante personne de marbre n'est peut-être pas aussi Vénus qu'on pourrait le croire et que Louis XIV en acceptant de l'exposer dans sa galerie des glaces s'est bien fait b....."
" Mais encore ? Vous me faites languir... " insistai-je.
Il baissa la voix jusqu'au niveau 2 de telle manière que je pouvais à peine distinguer les mots des phrases et les phrases des pétarades de la circulation fort dense à cette époque de l'année. Je perçus tout de même : "En réalité... c'est un... et personne... même parmi les..."
Je ne compris que dalle à ce qui paraissait être une révélation de la première importance et, pour me rapprocher, je me penchai vers lui en faisant opérer à ma chaise un mouvement tournant qui en amena le pied antérieur droit en un contact ma foi assez violent, avec le pied postérieur gauche de son propre siège. Je lui demandai dans le même élan : "Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît". Il ouvrit la bouche tandis que son siège basculait vers l'arrière et qu'il l'accompagnait avec une exemplaire solidarité mais aussi avec la très désagréable conséquence que l'arrière médian de son crâne heurta violemment le socle bétonné du parasol jaune (Lipton Ice Tea).
Entendons-nous bien, cet enchaînement logique mais inattendu, se déroula en une seconde ennemie, contrairement à ce que pourrait laisser penser la description ci-dessus. Non seulement sa rapidité, mais aussi la brutalité de son aboutissement n'eut d'égal que le flot de sang qui jaillit du crâne fendu par le choc. J'eus à peine le temps de retirer mes Churchs pour ne pas les voir éclaboussées. Les autres consommateurs restaient pétrifiés par l'horreur du spectacle et, avec cette présence d'esprit que connaissent bien mes vrais amis, je m'écriai :
"Pas d'affolement ! C'est le tournage du dernier film des frères Dardenne !"
Un de mes voisins les plus proche remarqua, la voix enrouée d'angoisse :
"Cela m'étonnerait. C'est tout à fait hors sujet..."
"Pas du tout, l'assurai-je. C'est l'histoire d'une jeune femme qui vient de perdre son travail et qui rencontre une homme. Elle ignore évidement que cet homme fait partie d'une organisation non-syndicale bien que portant le nom de syndicat du crime. Il la convainc de l'aider à assassiner un leader politique en vue et justement, c'est cet individu qui en tient le rôle..."
" Et cela finit comment ?" m'interrogea la compagne de l'homme.
" Ah ça, ma petite dame, faudra aller voir le film"
Mais l'homme ne paraissait pas convaincu. Il pencha la tête sur le côté et me fixa un court instant avant d'objecter :
"Les frères Dardenne filment uniquement à Seraing. On sait qu'ils ont parfois débordé sur Ougrée et même Flémalle. Mais ici ? À Arles ?"
Durant cet intéressant échange de vues sur le cinéma wallon, et ayant remarqué que la malheureuse victime avait la main toujours serrée sur une sorte caddie, je m'emparai de ce dernier et, me redressant, je lançai à la cantonade : " Le petit personnel va venir nettoyer. surtout restez bien en place ".
Je filai sans demander mon reste ni l'addition et atteignis un petit square au sein duquel un vieux banc me tendait langoureusement les accoudoirs. "Ouf" dis-je.
Et, avec fébrilité, j'ouvris le caddie...
Oups ! songeai-je en identifiant le contenu.
Oufti, même! Une boite rectangulaire noire de 30 x 15 x 10 cm enrubannée par une étroite "clicote" (déchet de tissu) rougeâtre que je qualifais, au toucher, de grasse ou huileuse, en tout cas suffisamment répugnante pour que ma main préfère aller explorer plus bas d'où j'arrivai à extraire une liasse de feuilles de papier pliées contenant, semblait-il, quelque chose... Toujours sous le coup de l'émotion des événements dramatiques survenus pour mon supposé harceleur, je fixai l'horizon du parc, puis mon regard s'en fut à gauche puis à droite. Personne, je pouvais continuer mes investigations morbides. Je sortis les papiers enrobant.. .quelque chose que je déposai devant moi, à mes pieds. Nouveau coup d'œil alentour, mauvaise impression! mais mes yeux et mains replongent dans le "sacamobile". Suis attiré et saisis un gros œuf carton vert et blanc lorsque dans mon dos jaillit un "Vous permettez, Monsieur, que j'emprunte votre caddie". De stupeur, je lâche mon œuf qui s'ouvre, répandant sur le sol des billes d'acier, des bouts de papier proclamant "Zaldimotema glacier" Un bras tel une grue plonge vers l'objet de son désir et le caddie s'envole et s'efface devant moi. Gorge serrée,je me retourne pour entrevoir une forme noire qui s'efface dans la verdure du feuillu.

Les événements qui s’étaient succédés depuis mon arrivée en Arles ce matin prenaient un tour pour le moins inquiétant. Je me sentais l’âme de Nicolas Cage (enfin, celle de Benjamin Gates) à la poursuite du Trésor des Templiers : tous les éléments glanés devaient être inventoriés, puis assemblés tels les pièces d’un puzzle. Je récapitulai mentalement, tout en pressant le pas vers mon hôtel :
- des lieux Arlésiens. Les Alyscamps, ancienne métropole gallo-romaine, le Museon Arlaten (à moins que l’on ne fit allusion à l’Arlaten, club athlétique Arlésien ?), musée d’ethnographie de la Provence, fondé par Frédéric Mistral en 1896, fermé depuis 2005 pour rénovation, l’abbaye (était-ce bien l’abbaye Saint-Césaire ou était-ce celle d’Arles sur-Tech, ce qui ouvrait la donne vers les Pyrénées, et, dans ce cas, l’expression Zaldimotemo glacier pourrait renvoyer au mot basque Zaldi, désignant les chevaux vivant en liberté dans la montagne et le glacier être non pas un marchand de glaces, mais l’un des névés Pyrénéens).
- des personnalités. Que venaient faire Christian Lacroix, la Vénus d’Arles, qui ne serait pas ce qu’elle était (ça, on le savait depuis sa découverte en 1651 : les controverses n’ont pour ainsi dire jamais cessé sur la personnalité représentée, Diane chasseresse dépourvue de son arc ou copie d’une Aphrodite de Praxitèle), quelle place réserver dans ce rébus à l’Arlésienne (et d‘ailleurs, l’allusion était-elle à celle de Daudet, celle de Mérimée ou était-ce à une habitante de la cité que l’on devait penser ?). Et Vincent, dont le fantôme flottait, moqueur, à mes côtés depuis le début, quelle place prenait-il dans tout cela ?
- des couleurs et des textures. Incroyables, les supports de l’information qu’on m’avait distillés : une oreille bleuie, des bouts de laine verte, la « clicote » rougeâtre, l’oeuf vert, et même, les billes d’acier (qui, j’y pensai soudain, renvoyaient peut-être une fois encore à l’époque antique, puisque Arles était déjà un oppido celtique à l’âge du fer). C’était donc cela : j’étais à n’en pas douter sur la piste d’un fabuleux trésor antique. Et d’aucun avaient déjà payé de leur vie à ce jeu de rôle plus vrai qu’un documentaire des Frères Dardenne ! J’étais à présent sur une piste, dans la peau de Fabienne Babe, la Céline de Je pense à vous
Mais j'avais en effet, et bien involontairement fait passé un quidam quelconque et de moi inconnu, de vie à trépas R.I.P. Plusieurs témoins avaient assisté au drame et cette fois, je devais avoir les flics aux fesses... Pas question de traîner dans ce parc mal fréquenté. Je ramassai la liasse de papier, espèce de colis, à voir plus tard et soupesant un bille argentéej je compris, au poids qu'il s'agissait de vraies billes d'argent que j'enfonçai dans mes poches ainsi qu'une partie de ces étranges petits papiers, style publicités à jeter d'un char de carnaval: des centaines de "Zaldimotema dessinés par des crayons de couleurs différentes et des tailles et calligraphie variées, tel le résultat d'un travail scolaire. Je m'efforçais de bourrer mes poches de tous ces indices lorsu'un papier tout noir retint mon attention;à la place du Zaidim... figurait ces mots énigmatiques "Vincent va venir... Va le voir en vitesse...